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jeudi 2 mai 2024

Faux souvenirs : la mémoire, une faculté qui trahit

 


Par: Fabienne Colombel et Anne-Laure Gilet - Les Faux souvenirs, cette mémoire qui vous trahit

-Faux souvenirs : la mémoire, une faculté qui trahit

« Entre 30 et 50 % des gens peuvent créer des faux souvenirs pour des événements qui ne se sont jamais produits. »

On doute rarement d’un souvenir. On est convaincu de sa véracité grâce aux détails, aux sensations qui nous habitent toujours. Et si notre mémoire nous trompait ou, pire, avait la capacité de modifier ce qui s’est réellement passé? Voici une histoire vraie. Mon histoire personnelle de faux souvenirs.

Danny Lemieux

Publié le 25 février à 4 h 00 HAE

Mis à jour le 28 février à 13 h 03 HAE

Au printemps 2000, j’ai visité l’Afrique de l’Ouest. Un voyage de deux mois, en solo, pour le plaisir. Lors de mon passage au Togo, j’ai visité le port de Lomé, la capitale. Sur place, par inadvertance, j’ai franchi une zone militaire. Aussitôt, les militaires m’ont arrêté et emprisonné. Quelques heures plus tard, ils m’ont libéré.


Cette histoire, je l’ai racontée mille fois. Or, à la fin de la pandémie, j’ai appris que cette mésaventure était fausse. Un choc pour moi. Suis-je un menteur ou, pire, un fabulateur?


À l’époque, pour documenter chaque journée de mon voyage, j'utilisais un dictaphone. J’ai retrouvé la cassette que je croyais perdue. En écoutant mon récit, 22 ans plus tard, il n’y avait aucune trace de cet emprisonnement. Pour comprendre ce qui m’est arrivé, je suis allé à la rencontre d’experts de la mémoire. J’ai suivi la piste des faux souvenirs.

Premier arrêt, Toulouse. Je raconte ma fausse aventure à Pascal Roullet, neurobiologiste et spécialiste de la mémoire. Et, contre toute attente, il n’est pas surpris. Ces faux souvenirs, on les retrouve très souvent pour des histoires qu'on raconte très souvent. Chaque fois, vous rajoutez un petit élément. À la fin, l'histoire est totalement différente de l’histoire d’origine. Ensuite, on n’a aucune façon de savoir si les éléments ajoutés sont vrais ou faux, et tout ça est associé au souvenir initial, explique-t-il.

Je me suis demandé si certains traits de ma personnalité m'avaient prédisposé à la création de faux souvenirs. Eh bien non, me rassure Pascal Roullet. Nous sommes tous susceptibles d’en produire. Ce n’est pas parce que j'ai une mauvaise mémoire que je ferai de faux souvenirs ou, au contraire, que je n’en ferai pas parce que j’ai une très bonne mémoire. Ce n'est pas un problème de mémoire, nuance-t-il.


Sur le chemin des faux souvenirs, j’ai aussi croisé Anne-Laure Gilet, chercheuse à l'Université de Nantes, en France. Elle travaille exclusivement sur les faux souvenirs depuis une quinzaine d’années. Elle non plus n’est pas étonnée par ma découverte. La mémoire n'est pas un enregistreur numérique ni une caméra vidéo. Notre mémoire est vivante, malléable. Elle reconstruit constamment nos souvenirs tout au long de notre vie. Un faux souvenir est justement une manifestation de cette malléabilité, dit-elle.


On m’explique qu’un faux souvenir naît souvent de la même façon. Quand on se replonge dans un vrai souvenir, on déstabilise la mémoire. On peut donc la modifier, y incorporer de nouvelles informations. Si l'élément est vrai, le souvenir est bonifié, mis à jour. Si l'élément est faux, on crée un faux souvenir.

Le neurobiologiste Pascal Roullet précise : Cette déstabilisation dure entre 60 et 80 minutes chez l'animal. On croit que ce doit être à peu près la même chose chez l’homme. Au moment où je raconte l'histoire, je sais que je vais exagérer, que je ne dis pas tout à fait la réalité. Par contre, je ne sais pas que ce faux élément sera incorporé à mon vrai souvenir.

Une part d’inconscient

Le faux souvenir n’est pas que le fruit de l’exagération. Des ajouts peuvent aussi provenir de photos, d’un rêve ou d’une histoire similaire racontée par un ami. Avec le temps, tout ça se mélange pour devenir un seul et même souvenir.


À ce méli-mélo, Anne-Laure Gillet mentionne qu’il faut ajouter un autre élément, une part d’inconscient. Un souvenir s’altère avec le temps, ce qui est naturel. Notre cerveau, lui, n'aime pas le manque, les choses parcellaires. Naturellement, il va combler ce vide avec nos connaissances, nos attentes, nos croyances. Donc, je vais modifier mon souvenir, mais en maintenant sa cohérence. On va raconter quelque chose qui aura du sens et qui fera du sens pour soi, affirme-t-elle.

Aujourd’hui, grâce à mon enregistrement, je sais ce qui s’est vraiment passé en Afrique. Oui, j’ai été arrêté par des militaires, mais jamais emprisonné. Et puis j'avais oublié qu’à l’époque, j’étais accompagné de Lucien, le fils d’un haut gradé togolais, qui nous a tirés d’affaire.


Sachant que n’importe quel souvenir peut se transformer en faux souvenir, je doute désormais de tous mes souvenirs. Des bons, comme des moins bons. Et je ne peux pas me fier à la quantité de détails que j’ai en mémoire.


Quand on a commencé à travailler sur les souvenirs, on croyait que plus il y avait de détails, plus c'était vrai. Alors on sait que ce n'est absolument pas le cas.


Une citation dePascal Roullet, neurobiologiste et spécialiste de la mémoire

Pourtant, on a l’impression que la somme des détails rend un souvenir crédible. Or, cette confiance, parfois, il faut s’en méfier, estime Anne-Laure Gilet.


La différence entre un faux souvenir et un souvenir qui s’est naturellement déformé avec le temps, c'est probablement la certitude associée à ce souvenir. On est convaincu que ça s'est produit comme ça, on n’a pas de doute. Alors que, parfois, on a naturellement des doutes. On sait que ce souvenir s'est déformé dans le temps, fait-elle remarquer.


Maintenant, la grande question : comment discerner le vrai du faux? La réponse est simple. C’est presque impossible.

On a essayé d’y répondre avec de l'imagerie cérébrale, mais il n’y a pas de différence entre les deux, constate Pascal Roullet. Il faut donc retourner à la source. C'est le seul moyen. Retrouver des amis, des confidents de l'époque. Aller discuter avec des membres de la famille. S'il y a deux ou trois témoignages qui vont à l'encontre de ce que vous dites, il y a peut-être un problème. Vous, vous avez une chance extraordinaire. Vous avez des preuves : des cassettes.


Un faux souvenir n’est pas un mensonge, mais la version transformée d’un vrai souvenir. On le raconte de bonne foi, parce qu’on est convaincu de l’avoir vécu ainsi. Mon faux souvenir est cocasse et sans répercussions. Mais ce n’est pas le cas pour tous.


Faux souvenirs d’agression sexuelle

Un souvenir peut-il être faux à 100 %? Inventé de toutes pièces? Oui, on peut se rappeler un événement qui n’a jamais eu lieu et y croire dur comme fer. La plupart du temps, c’est sans conséquence. Mais parfois, ce souvenir inventé peut se transformer en cauchemar.


Aux États-Unis, dans les années 1980, un phénomène attire l’attention. Après leur thérapie, des centaines d’adultes rapportent avoir recouvré le souvenir d’un abus sexuel ou physique. Un souvenir oublié depuis des dizaines d’années. Enquêtes policières et procès criminels détermineront finalement que ces souvenirs étaient infondés ou carrément impossibles. Depuis, des chercheurs se penchent sur ce qu’ils appellent le faux souvenir retrouvé.


Olivier Dodier est chercheur en psychologie cognitive à l’Université de Nîmes, en France. Il est aussi expert judiciaire dans les cas de faux souvenirs retrouvés. Sur le plan quantitatif, ces cas sont largement associés à la question des violences sexuelles et physiques durant l'enfance, spécifie-t-il.

Michel St-Yves, lui, est psychologue judiciaire à la Division de l'analyse du comportement de la Sûreté du Québec. Il appuie les corps policiers de la province dans leurs enquêtes. Dans le milieu judiciaire, c'est un phénomène très rare. Dans notre service, on peut en avoir un, deux ou trois par année. C'est très rare. Ce sont généralement des plaintes d'abus sexuels et d'abus physiques qui seraient survenus 10, 15, 20 ans auparavant, constate-t-il.


Olivier Dodier et Michel St-Yves tiennent à le préciser : lorsqu'une présumée victime a le courage de porter plainte, il faut la croire. D'ailleurs, en matière d'infractions à caractère sexuel, les enquêteurs n’évoquent l’hypothèse du faux souvenir qu’après investigation.


Avoir le réflexe de douter de la parole d'une personne, d'un point de vue statistique et moral, ce n'est pas la meilleure stratégie. Il y a plus de probabilités que ça reflète un événement réel plutôt qu'un événement construit.


Une citation deOlivier Dodier, chercheur en psychologie cognitive à l’Université de Nîmes


Il faut dire que la majorité des plaintes faites à la police pour des agressions sexuelles sont fondées. Ce sont de vraies plaintes, assure Michel St-Yves. En effet, selon les statistiques canadiennes les plus crédibles, 98 % des plaintes s'avèrent.

Dans un contexte judiciaire, invoquer le faux souvenir comme moyen de défense reste donc hasardeux. Par contre, Olivier Dodier signale que certains accusés n’ont pas hésité à le faire.


Avec le phénomène #MoiAussi, des gens ont révélé des faits. Et puis il y a eu une vague de protestations où certaines personnes disaient : "Attention, ce sont des faux souvenirs". Mais le faux souvenir n’est pas une carte magique, c'est quelque chose qui doit s'établir. Il faut connaître le dossier. Si jamais on fait appel à des spécialistes, ils vont systématiquement tempérer les choses, souligne-t-il.


Bien que ces fausses histoires d’agressions sexuelles soient rarissimes, elles partagent une caractéristique commune, soit le contexte dans lequel elles apparaissent. Dans l'extrême majorité des cas, raconte Olivier Dodier, ça suit un événement au cours duquel quelqu'un va suggérer des choses de façon intensive. C’est le résultat d’un lourd travail de suggestion. C'est vraiment toute une entreprise à mettre en œuvre pour que ça se produise.


Pour nous aider à comprendre, Michel St-Yves donne quelques exemples. La personne n'avait aucun souvenir de l’agression et, dans un contexte thérapeutique, ou au cours d'une expérience mystique, parfois même avec l'usage de psychotropes, tout à coup, elle se souvient de cet événement et va décider de porter plainte à la police, détaille-t-il.

Une mise en garde

Bien que cela soit peu fréquent, un faux souvenir peut surgir dans le cabinet d’un psychologue. D'ailleurs, au début des années 1990, plusieurs associations professionnelles de médecins, de psychiatres et de psychologues au Canada, aux États-Unis et en Australie ont mis en garde leurs membres sur les risques reliés aux expériences de mémoire recouvrée. La recherche montre cependant que, la plupart du temps, le faux souvenir surgit lors de rencontres impliquant un pseudo-thérapeute qui n’a aucune idée des dangers de la suggestion.


Voici le scénario type. Au cours d’une thérapie, une personne décrit son mal de vivre. Le pseudo-thérapeute lui suggère alors que sa détresse puisse être liée à un traumatisme oublié. Celui d’une agression sexuelle commise par un proche. Il explore cette possibilité non pas avec neutralité, mais avec des questions suggestives.


Une question suggestive, explique Olivier Dodier, se définit par le fait de proposer une réponse à une question. Le problème, c’est que cette réponse, la personne ne l'a jamais évoquée auparavant. Par exemple, on va dire : "Donc, c'est ça qui s'est passé, n'est-ce pas?" Ou alors : "C'est bien ça qui s'est passé?" Une question suggestive risque de contaminer un souvenir.


Les méthodes qui tentent de raviver les souvenirs enfouis risquent toutes de tromper le cerveau. D’ailleurs, la Cour suprême du Canada a statué en 2007 que les témoignages obtenus sous hypnose n’étaient plus admissibles en cour.

Durant notre entretien, Olivier Dodier m’incite à la prudence. La découverte tardive d’un vrai traumatisme est possible. Ce qu'il faut se poser comme question, c'est : comment le souvenir est-il revenu? Parce qu'un vrai souvenir d’agression peut revenir des années après. Si jamais la personne, durant sa thérapie, dit : "Ah oui, je me souviens quand j'étais enfant, on allait souvent chez un voisin", et que là, un souvenir revient, sans suggestion particulière, on peut récupérer un souvenir. Si jamais ça revient comme ça, il n’y a pas de danger particulier. On peut toujours rester prudent, mais la probabilité qu'il soit faux est plutôt diminuée.


Un vrai souvenir peut être également interprété autrement avec le temps. Prenons le cas d’un abus, comme des attouchements, survenu dans l’enfance. À l'âge adulte, la victime réalise que ces gestes, présentés à l’époque comme un jeu, étaient en fait une agression. Elle n'a pas oublié, il n'y a pas eu de rejet hors des frontières de la conscience. Simplement, elle n'a pas compris parce qu’elle était trop jeune. Mais avec le temps, la maturité, les connaissances sur le rapport au corps, la personne comprend que ce qu'elle a vécu était en fait des violences, dit Olivier Dodier.


Comme l’évoque Olivier Dodier, la question du faux souvenir retrouvé est intimement liée à une notion bien ancrée dans la culture populaire, celle du refoulement. Cette notion a été popularisée par Sigmund Freud, le père de la psychanalyse. Selon lui, pour se protéger, une personne peut refouler complètement un traumatisme. Une réponse involontaire et inconsciente qui sert à cacher un trauma dans le recoin de son esprit.


Aujourd’hui, l’idée du refoulement total est controversée et largement discréditée par les scientifiques, dont Pascal Roullet. En tant que neurobiologiste, j'ai un peu de mal avec le refoulement parce que ça va à l'encontre de toutes les règles qu'on connaît dans la formation des souvenirs. Ça va à l'encontre des théories sur la mémoire, déclare-t-il.

À la fin de sa vie, Freud remet en question ses propres conclusions. Pourtant, Olivier Dodier constate que le refoulement est une idée encore fort populaire. Maintenant, si on se pose la question de la validité scientifique de ce concept, bien, il n'en a pas. Quand on regarde les études qui ont cherché à prouver le refoulement, on se rend compte que ce n’est pas ça, mais d'autres phénomènes qui entrent en jeu, affirme-t-il.


Par contre, il y a des gens qui vont refouler, mais pas selon la définition psychanalytique; ils vont vivre avec un traumatisme en l’occultant, sachant fort bien qu'il est là.


Une citation dePascal Roullet, neurobiologiste et spécialiste de la mémoire

Lorsqu’une présumée victime porte plainte pour agression, elle ne peut s’imaginer que son drame est le fruit de son imagination. Les enquêteurs non plus. Michel St-Yves assure que l’investigation policière ne sera pas différente. L’enquête sera faite en bonne et due forme, comme toutes les plaintes de cette nature. Toutefois, le premier drapeau rouge sera vraiment le contexte dans lequel ce souvenir est apparu, indique-t-il.


Si l’enquêteur ne parvient pas à corroborer les éléments d’une déclaration, il envisage alors l’hypothèse du faux souvenir retrouvé. Un coup dur, une injustice pour la présumée victime. Même si l’enquête prend fin, les soupçons de la présumée victime envers ses proches persistent. Dans un tel cas, de l’aide psychologique lui est offerte.

Une aide essentielle, selon Olivier Dodier. Pour cette personne, son faux souvenir demeure bien réel. Elle va se revoir dans la scène, sentir des odeurs, ressentir des sensations, des impressions qui lui donnent une impression de revivre l'événement. La personne peut développer une détresse psychologique ou des symptômes post-traumatiques, dit-il.


Michel St-Yves conclut : Même sans agression, il y a quand même une vraie victime. La personne est victime d'un faux souvenir. Olivier Dodier partage cet avis : Elle n'est pas victime des faits dont elle se souvient, mais victime d'un abus de faiblesse, d'une manipulation mentale.


On l’oublie, mais la mémoire est une faculté malléable, colorée par nos croyances, nos préjugés, nos connaissances. La vérité peut rester floue, matière à interprétation. Et sans preuve, démêler le vrai du faux sera souvent un exercice difficile.




REF.: https://mediaserver.univ-nantes.fr/videos/faux-souvenirs-cette-memoire-qui-vous-trahit/#share

https://ici.radio-canada.ca/info/long-format/2051311/faux-souvenirs-memoire-inconscient-traumatisme

vendredi 19 avril 2024

L'écoute en conscience dynamique:

 

L'écoute en conscience dynamique:


Le besoin d'affirmation est venu avec la volonté de réduire l'impuissance, de reprendre le contrôle. D'exister. On a appris à exprimer des demandes, à manifester son désaccord, à partager la façon dont on se sentait.

Pour avoir de l'impact, il faut exprimer les bons contenus, de la bonne façon et au bon moment. Or, c'est l'écoute qui nous donne toutes ces infor-mations.

C'est cela, la conscience dynamique: être conscient du mouvement et accepter d'être guidé par les mots, les phrases et les comportements non verbaux. Plus une personne s'exprime en rendant le mouvement de son discours clair, plus le sens sera accessible, et plus il nous sera facile de voir le mouvement dans l'idée qu'elle exprime. Saisir le sens ne se fait habituellement pas de façon progressive.


Il existe une stratégie qui permet d'activer l'écoute en conscience dynamique et de vérifier à quel point nous avons saisi le sens de ce qu'une personne exprime. Il s'agit du reflet.

Le reflet


Le reflet est une stratégie de communication verbale qui permet non seulement de saisir le mouvement dans ce que l'autre exprime, mais aussi de lui démontrer que nous avons bien saisi le sens de ce qui a été communiqué, et pas seulement les mots.

Voici la définition que je propose: le reflet est une reformulation de ce que nous avons compris de ce que l'autre a voulu nous communiquer.


Une reformulation...

Une partie du reflet concerne les mots. Mais ces derniers doivent servir le sens du propos, et non constituer uniquement la répétition de ce que l'autre a dit. Il n'est pas nécessaire de reprendre ses mots. En fait, plus notre capacité à écouter le sens se développera, plus nous aurons tendance à utiliser des mots différents, les nôtres, sans altérer le sens de ce qui a été exprimé. Cela nous permettra d'augmenter notre capacité à faire ressortir le sens du pro-pos, qui vient avec l'entraînement.

  • ... de ce que nous avons compris...
    Nous devons impérativement tenir pour acquis qu'il est impossible de saisir exactement la réalité de l'autre et le sens absolu de ce qu'il a communiqué. Nous ne pouvons faire qu'une tentative humble, honnête, et nous rapprocher le plus possible de ce sens. Le reflet représente donc une volonté de comprendre plutôt qu'une bonne ou une mauvaise réponse théorique.
  • ... de ce que l'autre a voulu communiquer.
    Le mot «voulu» implique une intentionnalité consciente. Il est de première importance, car il permet de distinguer notre perception du message de son intention, laquelle appartient à notre interlocuteur. Il s'agit donc de faire état du message intentionnel.

L'une des fonctions les plus importantes du reflet est d'autoriser le passage d'un sujet à un autre, plus vulnérable et comportant plus d'énergie.


Il est fascinant de voir l'effet d'un reflet réussi.


Lorsqu'un reflet parvient à faire ressortir le sens de ce qui a été exprimé par une personne, sa réaction ne tarde pas: peu à peu, son visage s'éclaire; elle écarquille légèrement les yeux et hausse les sourcils; sa bouche s'entrouvre de manière détendue; un relâchement se produit, une détente dans sa posture et dans son visage, une douce énergie en émane. C'est une réaction dopaminergique.


Il y a aussi un autre indice, cette fois très explicite: une confirmation verbale qui se produit typiquement en deux temps. D'abord, la personne confirme qu'elle reconnaît le sens de ce qu'elle vient d'exprimer; ensuite, elle poursuit la conversation à un niveau de vulnérabilité plus élevé et comportant davantage d'énergie.


Le reflet est une stratégie de communication qui permet:

  • d'accéder aux sujets de conversation les plus importants;
  • d'aller vers les sujets de conversation comportant plus de vulnérabilité et donc plus d'énergie;
  • d'augmenter la responsabilité;
  • d'augmenter la force de la relation;
  • de nous assurer (et d'assurer l'inter-locuteur) que nous nous trouvons consciemment sur un même vecteur de sens;
  • d'augmenter la vulnérabilité et la force de la relation;
  • de préciser les éléments les plus importants, ceux qui sont les plus porteurs de sens;

Ce n'est pas suffisant de percevoir les émotions. Il est aussi nécessaire de déterminer le niveau de conscience de notre interlocuteur par rapport à ce qui est exprimé.

Cela nous renvoie directement à l'une des règles fondamentales de la communication: un humain doit toujours rester propriétaire de son contenu, de sa marchandise, qui a pour lui une grande valeur. Un reflet peut prendre la forme affirmative simple et proposer à notre interlocuteur, directement et sans détour, ce que nous avons compris dans ce qu'il a voulu nous communiquer.


 On peut l'entamer mentalement par la phrase suivante: «Ce que tu dis, c'est que...» ou «Ce que je comprends, c'est que...» Par exemple, il nous parle de ce qui l'a amené à s'engager dans un projet. Après environ une minute trente, il fait une pause. Un silence de deux secondes nous montre qu'il est allé au bout de sa pensée et que son cerveau ne lui permet pas de continuer de parler. Un reflet est la meilleure intervention.

Voici six types d'interventions auxquelles nous recourons tous régulièrement et qui ne constituent pas un reflet.



1. Une opinion;«Je pense que...»


2. Une question; «Est-ce que...?»;«Pourquoi...?»


3. Une hypothèse;«Se pourrait-il que...?"


4. Un résumé;«Tu as dit: A, B, C, D, E, F, G, etc.»


5. Une interprétation «La façon dont je vois ça...»


6. Une déduction;«Donc...»



-L'écoute est une activation SA fortement associée à la dopamine. Il s'agit d'aller vers l'autre et de saisir le sens de ce qu'il dit.


Il ne faut pas forcer un reflet. Générale-ment, la volonté et le plaisir de montrer à l'autre que nous avons compris le sens de son message font naître une impulsion naturelle au bon moment. Il ne faut pas non plus interrompre la personne qui s'exprime pour renvoyer un reflet, sauf si le contenu est tellement dense et complexe qu'il est plus sage de nous assurer que nous saisissons ce que notre interlocuteur exprime.


C'est l'intention qui compte


Un reflet n'a pas à être parfait. La bonne nouvelle, c'est qu'en cette matière, l'intention compte pour beaucoup. Si vous faites de votre mieux pour écouter le sens de ce qu'une personne exprime et que vous renvoyez un reflet qui ne correspond pas parfaitement à ce qu'elle a voulu communiquer, c'est loin d'être dramatique.


Elle verra que vous essayez de faire ressortir de façon authentique le sens de ce qu'elle a voulu dire. Elle pourra alors vous corriger, préciser sa pensée et développer son message. C'est déjà un impact positif.


Vous pourrez ainsi utiliser de nouveau cette stratégie à la lumière de sa réaction.


La technique du reflet, une notion centrale de ce livre, est probablement la plus importante à développer. Le reflet est un outil verbal puissant; pour qu'il soit efficace, nous devons, dans l'instant présent: donner à notre interlocuteur 100% de notre attention consciente unifiée;

  • prendre le contrôle de notre SA et activer une intention consciente d'écouter (GO écoute);
  • mettre à profit notre capacité à reconnaître les émotions en temps réel;
  • exercer notre capacité à détecter les expressions faciales et les mouvements oculaires;

    exercer notre capacité à intégrer une grande quantité d'informations transmises;

    saisir le sens.



Je peux vous assurer que la volonté de renvoyer un reflet efficace synchronise l'ensemble des fonctions cérébrales requises dans la communication. Plus vous vous entraînerez, plus vos reflets seront efficaces, et plus vous en verrez les résultats, ce qui vous encouragera à écouter davantage. Plus vos reflets seront efficaces, meilleures seront vos relations. Plus les gens partageront leur or avec vous, plus vous pourrez utiliser cette énergie précieuse pour atteindre des objectifs de grande valeur.



RÉF.: Extrait du livre: Guillaume Dulude, Je suis un chercheur d’or. 






jeudi 18 avril 2024

La communication: Les règles d'or du timing

 

La communication: Les règles d'or du timing

1. Déterminez, dès le début de la communication, si votre interlocuteur est en SI ou en SA.

Si votre interlocuteur est en SI, ne parlez pas. Dirigez plutôt votre attention sur lui et forcez-le à s'exprimer, soit en laissant un silence, soit en lui posant une question pour l'inciter à prendre la parole. Si vous parlez, ce ne sera pas entendu, cela n'aura aucun impact positif. Une question générale de début de conversation, visant à briser la glace, suffit pour éviter qu'une personne ne reste dans sa tête. Si c'est le cas, cela aura uniquement des impacts négatifs sur vous: augmentation de votre irritation, de votre impuissance, sentiment d'être inefficace, peu pertinent, peu crédible, peu compétent, augmentation de votre anxiété.



2. Ne vous exprimez jamais si votre interlocuteur est en SI.

Si vous parlez (GO expression), votre interlocuteur doit absolument être en SA (GO écoute), et vice versa. De toutes les règles, il s'agit probablement de la plus importante. Si vous la respectez, vous vous assurez que votre contenu, votre message et vos arguments importants sont encodés et reçus par votre interlocuteur. Dans cette configuration, votre communication est efficace. Votre crédibilité augmente, votre impact se fait sentir, votre perception de vous-même est positive et votre potentiel d'influence est élevé.

Cela s'applique également à un groupe.

Il faut vous assurer que la majorité du groupe, ou un interlocuteur en particulier, est en SA (GO écoute). Sinon, votre crédibilité, votre leadership, votre impact et votre influence positive fondront en quelques secondes.

Tant et aussi longtemps que votre interlocuteur est en SI, il réfléchit, il est anxieux, et son cerveau évalue les informations; il ne peut donc pas en encoder positivement de nouvelles. C'est alors à vous d'activer consciemment votre GO écoute et de maintenir votre attention sur lui. Cette micro-stratégie aura deux conséquences sur votre interlocuteur :

  • Il continuera à parler. Son SI évaluera qu'il doit exprimer ou expliquer quelque chose pour atteindre son objectif. Alors qu'il est en GO expres-sion, il n'est pas en GO écoute et ne peut donc pas encoder de nouvelles informations.
  • Il arrêtera son SI et activera son SA.
    En d'autres mots, il passera automatiquement de SI à SA, sans aucune intervention verbale de votre part. Ce sera alors à votre tour de parler.Il s'agit d'une microstratégie très efficace qui doit être utilisée plusieurs dizaines de fois dans une même conversation.



3. Laissez un délai avant de vous exprimer.

Lorsqu'une personne termine une phase d'expression, laissez entre 0,5 et 2 secondes avant de parler. N'enchaînez jamais immédiatement. Le fait de prendre la parole tout de suite est la preuve que votre réponse était déjà formulée. Vous démontrez que vous n'avez pas écouté et que vous étiez en SI. Vous avez donc dupé votre interlocuteur, qui sera immédiatement plus méfiant lors du prochain tour de parole. Inconsciemment, vous avez encouragé son SI au lieu de son SA (GO écoute).

Pour se défendre, il déclenchera immédiatement un Si, faisant en sorte que vous parlerez dans le vide lors du prochain tour de parole. Ce que vous direz ne sera pas encodé par lui et vous «brûlerez» vos arguments et vos propos.

Plus une personne se vulnérabilise, plus il est important d'attendre avant de commencer à parler (GO expression). Si elle vous raconte des événements qui suscitent peu d'émotions et de vulnérabilité, vous pouvez laisser passer 0,5 seconde seulement avant de prendre la parole. Par contre, si le contenu implique davantage de vulnérabilité, attendez davantage avant de répondre. Si vos habiletés d'écoute et d'empathie sont bien développées, cela se produira naturellement, sans que vous ayez besoin d'y réfléchir consciemment.



4. Si votre interlocuteur passe de SA à SI pendant que vous parlez, arrêtez immédiatement et activez votre GO écoute.

Quand vous parlez (GO expression), il faut vous assurer que votre interlocuteur maintient le SA + GO écoute. Typiquement, une personne qui n'est pas entraînée à la communication écoute peu, souvent entre 1 et 3 secondes. Elle a de la difficulté à maintenir son attention soutenue pendant un dialogue et déclenche facilement son SI.

Aussitôt que celui-ci est activé, elle cesse de vous écouter. Il est alors risqué de continuer à parler comme si de rien n'était, car ce que vous direz sera « brûlé », ainsi que votre crédibilité. Par exemple, alors que vous partagez une opinion, votre interlocutrice est en SA (GO écoute). Elle hoche la tête et cligne des yeux, son attention vers vous est soutenue, bref, tout va bien: l'énergie augmente et la relation se développe. Toutefois, en plein milieu d'une de vos phrases, vous remarquez qu'elle prend une inspiration, crispe la bouche et que son visage devient immobile: elle est en SI et a soudainement cessé de vous écouter. Il vous faut résister à la tentation de terminer votre phrase ou votre propos. Je vous suggère plutôt de vous taire immédiatement.

Vous passez donc de GO expression, jugé maintenant inefficace par votre système d'adaptation, à No-GO expression. Le No-GO, responsable du maintien de l'énergie dans le dialogue, vous incite maintenant à adopter une nouvelle stratégie et à passer en GO écoute. Grâce au No-GO, vous avez utilisé une nouvelle stratégie mieux adaptée au maintien de l'énergie du dialogue.

Cette stratégie a des retombées immédiates et importantes. Le rapide passage de GO expression à No-GO, puis à GO écoute, enseigne plusieurs choses au cerveau de votre interlocutrice:

  • Si elle n'est pas en SA + GO écoute, vous ne parlez pas. Vous lui apprenez donc à prendre la responsabilité de ses processus de communication.
  • Si elle veut vous entendre et vous respecter, elle doit, elle aussi, prendre conscience de la façon dont elle gère son attention consciente.







  • Elle se rend compte qu'elle interrompt la communication et qu'elle est peu respectueuse. Cette prise de conscience autonome l'amènera à vouloir écouter les autres (dont vous!), plutôt que de les couper aussitôt qu'elle est contrariée ou dérangée par une émotion.

    Ainsi, de façon naturelle, vous augmentez votre autorité, votre crédibilité et vous enseignez le respect à votre interlocuteur, et ce, sans violence et sans affecter son autonomie.




    5. Contrôlez les fluctuations d'énergie dans le dialogue et menez la conversation en ralentissant le tempo.

    Soyez le facteur ralentissant. Évitez toute forme d'accélération dans les tours de parole, dans le débit et dans le transfert de l'attention consciente. Ne répondez pas rapidement. Ne comprenez pas rapidement. La façon idéale de ralentir la communication est de faire un choix de communication conscient à chaque instant du dialogue.

    Plus une personne est impulsive, réagit sur le coup de l'émotion et se comporte de façon automatique, plus elle accélérera la communication et diminuera l'accès à l'énergie du dialogue. En d'autres mots, plus nous accélérerons, plus nous serons anxieux, plus le SI sera facilement activé et plus les émotions des deux interlocuteurs deviendront instables. Plus nous ralentirons, plus la vulnérabilité se développera, plus nous serons capables de maîtriser nos choix de communication, mieux nous contrôlerons notre attention consciente, moins les traits de personnalité propres au névrotisme dicteront notre communication, plus les traits de conscienciosité prendront de la force. Surtout, meilleures seront la relation et l'énergie.


    RÉF.: Extrait du livre; Guillaume Dulude, Je suis un chercheur d’or. 


Nota:
Comment formuler une communication, avec le vecteur, attirer l'attention en 5 éléments :

1- Mettre des éléments de mise en contexte
2- Mettre un ou des éléments déclencheurs.
3- Susciter une prise de conscience
4- Ne pas oublier à ce moment-ci, le rappel des buts
5- Et conclure avec notre demande, ce que l'on veut, à la fin.




mardi 16 avril 2024

Le rejet de soi-même dans la communication:

 

Le rejet de soi-même dans la communication: 


-L'autorejet est une habitude émotionnelle et cognitive que nous avons, du moins en partie, développée pour tenter de reprendre le contrôle du rejet. Or, il est connu que le sentiment de contrôle diminue l'anxiété à court terme. En ce sens, l'auto-rejet permet de créer l'illusion que nous sommes d'accord avec ceux qui sont sur le point de nous rejeter, que nous sommes sur la même longueur d'onde que ces gens, ce qui nous rapproche d'eux. C'est une forme d'excuse présentée d'avance: «Excusez-moi, tout le monde. Pas besoin de me reje-ter. Je l'ai déjà fait, et je travaille à me corri-ger. Tout ira bien, vous verrez. Je ne vous décevrai pas.» Ce mécanisme engendre une spirale d'autodévalorisation inconsciente qui détruit littéralement l'accès à nos talents, à nos ressources et à notre identité. Elle génère de plus en plus d'anxiété et entraîne la dépression 14,15.


Plusieurs soutiendront qu'il s'agit d'une qualité associée à la rigueur et à leurs standards d'excellence élevés, et même à l'humilité. Il n'en est rien. Il s'agit plutôt de l'évitement de l'anxiété déguisé en contrôle. La rigueur et les standards élevés peuvent certes augmenter cette tendance déjà présente chez une personne, mais ils sont indépendants de ces comportements automatiques d'autorejet.

Ce mécanisme est non seulement ineffi-cace, puisqu'il ne parvient à réduire l'anxiété qu'à court terme, et ce, de façon déconnectée de la réalité, mais parfois il devient également une béquille presque permanente et non consciente.


Pourtant, il est extrêmement insidieux et peut être présent chez des hommes et des femmes de tous les âges, très performants, reconnus et admirés de tous, et ce, quel que soit leur statut socioé-conomique. Il s'agit de l'un des mécanismes cognitifs les plus dévastateurs à moyen et à long terme. Il transparaît dans la communication d'une personne, et il est possible de déterminer son niveau d'anxiété de rejet dès la première seconde du dialogue, ne serait-ce que par sa respira-tion. Comme nous le verrons plus loin, quelqu'un qui commence systématiquement à s'exprimer en inspirant nous mettra la puce à l'oreille: son niveau d'anxiété de rejet est déjà élevé.


L'évitement


L'évitement du rejet est une stratégie de survie. Il répond à un besoin à court terme de survivre en évitant un potentiel danger immédiat. Par contre, l'évitement du rejet n'est pas une stratégie de construction relationnelle.


Au fil du temps, l'évitement fait augmenter l'anxiété générale, favorisant l'apparition de troubles anxieux, par exemple l'anxiété généralisée, la phobie sociale, les attaques de panique répétées.


Si on désire poser son attention sur deux cibles, cette dernière n'a d'autre choix que d'alterner rapidement entre l'une et l'autre. Cela peut sembler banal, mais ce mécanisme est la première cause du sentiment de rejet; il génère de l'anxiété et engage de mauvais processus de communication. La division attention-nelle est, dans la majorité des cas, le facteur responsable de la détérioration des relations, du manque de confiance, du sentiment de ne pas être écouté et d'être manipulé.



Se désengager;


Le désengagement est une stratégie d'évitement de l'anxiété relationnelle visant à diminuer l'anxiété de rejet d'un interlocuteur à court terme.


-  Exercer un contrôle;


Le contrôle est aussi une stratégie d'évitement de l'anxiété consistant à forcer une personne à se comporter, à penser ou à s'exprimer d'une façon qui nous avantage.

Une personne peut aussi utiliser cette stratégie lorsqu'elle craint de ne pas être comprise ou qu'elle n'obtient pas l'approbation de l'autre.


Changer de sujet;


Quand notre interlocuteur change soudainement de sujet, c'est souvent la conséquence d'une division attentionnelle qui résulte d'émotions négatives générées par la conversation.


Couper la parole;


Voilà un comportement qui montre hors de tout doute une division attentionnelle. Le fait de couper la parole à quelqu'un augmente immédiatement son anxiété et diminue instantanément la progression de la vulnérabilité de la relation.


Donner un conseil;


On a tendance à croire que donner un conseil est un geste généreux, qui vise le bien de notre interlocuteur. Au contraire, tout conseil est le résultat d'une division attentionnelle qui vise à réduire sa propre émotion négative en voulant régler le problème de l'autre.


En résumé, un conseil est une recommandation non sollicitée. C'est une stratégie d'évitement de nos propres émotions négatives suscitées par le discours de l'autre.

Poser des questions

On pense que le fait de poser des questions est une bonne chose et montre notre intérêt envers l'autre. C'est faux. Si nous observons attentivement les processus émotionnels et cognitifs liés au fait de poser une question, nous nous rendons compte qu'elle est toujours stimulée par une émotion qui nous appartient. Une question se veut donc une stratégie pour diminuer cette émotion ou la stabiliser en allant chercher une réponse ou une information chez l'interlocuteur. Interrompre une personne pour lui poser une question est extrêmement négatif sur le plan relationnel et inhibe totalement la progression de la vulnérabilité. Il est cependant possible de poser des questions qui auront un impact positif sur le dialogue. (Nous en parlerons également plus loin.)

Émettre une opinion

Formuler une opinion est aussi une façon d'éviter les émotions négatives suscitées par ce que notre interlocuteur exprime. Les émotions négatives ressenties créent une division attentionnelle qui se charge d'entamer hâtivement la construction d'une opinion que nous serons pressés d'exprimer pour éviter notre propre anxiété.

Avoir recours à l'humour

Avoir de l'humour est un talent remar-quable. Mais il peut nuire sérieusement à l'efficacité d'une communication.


Cette aptitude peut souvent servir à éviter des émotions néga-tives, celles des autres aussi bien que les nôtres. Avant de faire une blague ou un commentaire qui fera rire, notre cerveau a forcément dû se concentrer sur ses propres pensées.


S'opposer: Oui, mais...

Le Oui, mais... est le signe d'une opposition à ce à quoi nous venons d'être exposés.

Cette opposition vise à stabiliser une émotion négative (quoique souvent très légère) et montre la volonté de retrouver l'équilibre homéostatique dans notre vision des choses.


Le diaphragme et l'évitement;


Dans une interaction humaine, la respiration fournit bien plus qu'un apport en oxy-gène. Elle donne des signaux immédiats à notre propre cerveau et à celui de notre interlocuteur. La respiration peut donc aussi être une stratégie consciente.


Si nous percevons une menace, source d'anxiété, nous aurons tendance à prendre des inspirations plus grandes ou plus rapides et à les retenir. Effectivement, on observe que les personnes plus anxieuses vont augmenter de façon exagérée la fréquence de leurs respirations dans différentes situations de la vie 18, 19,20 . À l'inverse, un ralentissement volontaire de la fréquence des inspirations augmente l'activité du système parasympathique et favorise le bien-être émotionnel. 


Retenir sa respiration est une stratégie d'évitement de l'anxiété et de la menace. L'expiration est associée à la vulnérabili-

té.


Une personne qui a tendance à prendre de grandes inspirations et à les garder par la suite révèle toujours une forme d'anxiété, laquelle est à l'antipode de la confiance, du courage, du leadership et de la crédibilité. Un leader dont la fréquence respiratoire est trop rapide ou qui communique en apnée, c'est-à-dire en retenant sa respiration, rendra son public plus anxieux et aura tendance à le diviser plutôt qu'à l'unifier et à le mobili-ser.


Si vous expirez d'abord et qu'ensuite vous prenez la parole, votre public se détendra immédiatement, votre crédibilité augmentera et votre anxiété ainsi que celle de votre auditoire auront tendance à diminuer.


Nous avons appris à éviter les conversations difficiles. Sans nous en apercevoir, nous mettons fin à la communication lorsque nous atteignons un plafond émo-tionnel. C'est précisément le pire moment pour arrêter la communication, car les conséquences ne peuvent qu'être néga-

tives.

Il est possible de prendre une pause d'une communication hautement émotion-nelle. Si les deux personnes impliquées conviennent qu'elles poursuivront leur conversation à un autre moment, le cerveau n'interprétera pas cet arrêt comme une stratégie d'évitement, et cela n'entraînera pas de conséquences négatives. Cette pause permettra aux émotions de se stabiliser avant que la conversation se pour-suive. Mais si la communication n'est pas reprise, la pause devient un arrêt de com-muniquer, donc un évitement.


La neurobiologie du respect;


La notion de respect est l'une des plus sensibles et des plus difficiles à matérialiser dans l'instant présent. La notion de respect est extrêmement floue et correspond généralement à une absence de violence brutale. Or, les processus relationnels impliquent, en fait, un niveau de précision tout autre. Le respect n'a rien à voir avec l'évitement de comportements agressifs. Je le définis plutôt comme la conscience de la fine ligne qui nous sépare de l'autre à chaque instant.

Le cerveau est conçu pour protéger cette ligne.

Le respect est la conscience interactive de soi et de l'autre dans l'instant présent. Il nous assure que l'énergie des humains en interaction est à son maximum et que la relation évolue rapidement.


Le respect commence bien avant que les premiers mots soient prononcés, avant même que nous soyons confortablement assis l'un en face de l'autre ou l'un près de l'autre. La proximité: le début de la vulnérabilité

Le seul fait d'être en présence d'un autre humain peut amorcer la vulnérabilisation, et par conséquent le début d'une relation, même sans contact visuel.


Or, les humains ont un GPS interne qui est toujours connecté au satellite. Il est précis, nous pouvons toujours nous y fier. Il garantit une aventure mémorable et nous assure de nous mener à nos objectifs si nous apprenons à l'utiliser correctement:

ce sont les émotions.


Certains auteurs rapportent qu'il y a cinq émotions de base 33,34,35, d'autres dix. Pour ma part, je vous en présenterai six, ce qui est amplement suffisant dans une perspective de communication. Ce qui importe ici, c'est de comprendre ce qu'est une émotion, quels messages elle nous fournit et, surtout, comment l'utiliser.

La joie, le dégoût, la tristesse, la peur et l'anxiété, la surprise ainsi que la colère sont, dirons-nous, «pures», c'est-à-dire que chacune se distingue complètement des autres par ses manifestations physiologiques et ses fonctions. Chaque émotion possède un message particulier qui facilite l'accès au sens de ce que nous vivons et de ce qu'une personne communique. 



Voici leurs fonctions principales.


Joie;


La joie est la seule racine des émotions positives.


Dégoût;


Émotion de répulsion et d'éloignement.


Tristesse;


elle est fortement liée aux deuils sains.


Peur et anxiété;


Elle annonce toujours la prise de responsabilités et la mise en place d'une stratégie.


Surprise;


Émotion qui résulte de l'intégration rapide de nouvelles données par notre champ de conscience.


Colère;


La colère mobilise les ressources pour rétablir les frontières et la propriété des ressources.

Nous ressentons rarement l'une de ces émotions de façon isolée et à haute intensi-té. Nous éprouvons plutôt plusieurs emo-tions à la fois, et la plupart du temps des dérivés plus subtils.

Notre cerveau ne juge pas nos émotions ou notre vécu. Tout est permis, sans tabou, et il y a toujours un sens à ce que nous ressentons.


Confusion entre les émotions;


Les émotions sont des signaux qui sont liés à des sensations physiques de différentes intensités.

Il existe une confusion entre la détresse et la douleur provoquée par les émotions négatives. La douleur est une information.

La détresse est une combinaison de douleur et d'impuissance, créant une relation malsaine avec soi-même. Dans un tel scé-nario, la douleur est interprétée comme le signe que nous sommes le problème de par notre nature, contaminant le soi, notre identité. Il s'agit d'un phénomène de déva-lorisation. La bonne nouvelle est que la douleur est rarement un problème si elle n'est pas entremêlée avec l'impuissance.

C'est ce qui définit d'ailleurs une personne résiliente. Certains individus subissent des traumatismes et des douleurs insoute-nables. Mais ils ne craquent pas. Ils se relèvent et reviennent plus forts. Dans un tel cas, l'impuissance et la détresse n'ont pas pris le dessus. Il est donc capital de distinguer les deux phénomènes, sans quoi nous n'avons pas d'autre choix que de jeter le bébé avec l'eau du bain: les émotions négatives et la détresse. Mais nous avons absolument besoin des émotions, surtout des émotions négatives, pour nous orienter dans le monde. Les supprimer reviendrait à jeter une partie de nous. Cela s'appelle l'autodestruction.Il est donc inutile de tenter de se débarrasser de la détresse en réprimant les émotions négatives.


Les émotions positives forment un vecteur qui justifie notre mouvement et notre direction vers nos buts. Par contre, elles ne disent pas comment s'y rendre; elles n'indiquent pas le chemin pour y arriver et ne peuvent assurer notre sécurité. Contrairement à ce que nous pouvons penser, il est impossible de survivre uniquement grâce à elles. C'est là que les émotions négatives entrent en jeu, pour soutenir le travail des émotions positives.


Les émotions négatives ont deux fonctions principales:

  1. Elles augmentent la conscience simple: elles nous avertissent qu'il y a un apprentissage à faire, des éléments à intégrer et dont il faut tenir compte dans notre mouvement en fonction de qui nous sommes.
  2. Elles nous signalent les dangers potentiels: elles sont déclenchées si le cerveau détecte un danger pos-sible. Toutefois, ce n'est pas nécessairement un danger réel. Il s'agit d'une alarme qui demande une investigation plus poussée et une compréhension plus précise des signaux émotionnels.

L'entonnoir émotionnel est construit de telle sorte que plus nous nous rapprochons de nos objectifs importants, plus nous percevons le phare des émotions positives de façon claire et intense. Mais les émotions négatives seront aussi de plus en plus pré-cises; elles nous renseigneront encore plus finement sur la direction à conserver pour nous diriger vers notre objectif.


Je ne peux trop le rappeler: l'humain n'est pas conçu pour stagner. Le cerveau, la cognition et les émotions sont faits pour générer du sens, du mouvement. De l'éner-gie. Toute la structure émotionnelle en témoigne.


Cette augmentation de l'intensité des émotions négatives vise à briser le seuil de la conscience et ainsi à diriger notre attention vers celles-ci. Le système espère alors que le message sera bien compris et que des «prises de conscience» et des apprentissages importants auront lieu grâce au sens que nous aurons dûment extrait. Afin de s'assurer de la mise en branle de ce processus prioritaire, le système freine ou ralentit nos actions en cours pour permettre une priorisation de ces signaux.  La peur d'avoir moins de valeur que les autres entraîne notre cerveau à éviter tous les signes qui pourraient être interprétés comme une raison d'être moins appré-ciés, moins aimés et rejetés.


Les émotions sont encodées et stockées comme l'est une dette financière: aucun dollar n'est oublié. Toute émotion négative qui a été évitée se loge dans le système limbique du cerveau, une région comprenant plusieurs noyaux impliqués dans la mémoire et les émotions. Ainsi, chaque émotion négative évitée y reste jusqu'à ce qu'il y ait paiement de la dette, que nous appellerons «dette émotionnelle». À force d'ajouter du contenu émotionnel dans le système limbique, sans qu'on y prête attention, cela engendre un paiement minimal si élevé qu'on songe à ne plus payer sa carte et même à éviter ce dernier.


REF.: extrait, du livre: Guillaume Dulude, Le chercheur d'or.