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jeudi 9 juin 2016

Blocage et filtrage des sites : une étude met au même plan la France, la Turquie et la Russie





#FrenchTech 142
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Crédits : Filograph/iStock
Loi
Une imposante étude sur le blocage, le filtrage et le retrait des contenus illégaux a été réalisée à partir des législations de 47 États membres du Conseil de l’Europe. Préparée par l'Institut suisse de droit comparé, elle met sur le même plan la France avec la Russie et la Turquie.
Les différents coups d’accélérateur pour le blocage des sites en France ont porté leur fruit. Dans une étude publiée le 1er juin dernier, notre pays est couronné pour ses différents outils permettant de couper d’une manière ou d’une autre,  l’accès à un contenu en ligne.
Ainsi, page 778, notre pays est mis sur un pied d’égalité avec la Russie pour avoir offert aux autorités administratives la capacité de bloquer ou faire déréférencer un contenu, sans passer par l’intermédiaire d’un juge. En Turquie, cette capacité est donnée au gouvernement, notamment au Premier ministre, seulement en cas d’ « urgence ».
Page 780 du même document, l’Institut suisse de droit comparé résume encore la situation : « Dans la plupart des États, ce sont les tribunaux qui conservent le pouvoir d’ordonner le retrait et le blocage d’un contenu. (…) Cependant, dans les pays tels que la France, la Russie et la Turquie, on trouve des autorités administratives avec un pouvoir considérable (…). Elles peuvent avoir le droit dans certaines circonstances, d'ordonner à un intermédiaire technique de supprimer ou bloquer l'accès au contenu incriminé sans autorisation préalable d’un juge ».

De graves inquiétudes sur la liberté d'expression

Dans un communiqué, le secrétaire général du Conseil de l'Europe apporte ce commentaire sur l'étude globale : « Les gouvernements ont l’obligation de lutter contre l’apologie du terrorisme, les images d’abus sexuel commis sur des enfants, les discours de haine et les autres contenus en ligne illégaux. Or, je constate avec préoccupation que certains États ne définissent pas clairement ce qui constitue un contenu illégal. Les décisions sont souvent déléguées à des autorités qui disposent d’une large marge d’appréciation, qu’elles peuvent exercer au détriment de la liberté d’expression. En nous appuyant sur cette étude, nous allons adopter une approche constructive et définir des normes communes pour mieux protéger la liberté d’expression en ligne ».
Toujours selon ce communiqué, les lois antiterroristes, « en particulier, suscitent de graves inquiétudes sur le plan de la liberté d’expression. Bien souvent, ces lois autorisent le blocage, le filtrage ou la suppression de contenus sur la base de motifs formulés de façon vague ou imprécise tels que « extrémisme » ou « propagande terroriste ». Les autorités administratives qui ne sont pas suffisamment indépendantes de l’exécutif sont habilitées à ordonner le blocage de sites web. Cela entraîne parfois des restrictions sur des contenus internet qui ne tiennent pas dûment compte du principe de proportionnalité ».

Blocage judiciaire, blocage administratif

On trouvera ici un panorama des mesures en vigueur en France, et permettant de bloquer un contenu en ligne. Nous le segmentons ci-dessous selon qu’elles passent par les mains du juge ou d’une autorité administrative (un panorama, pays par pays).

Blocage et filtrage ordonnés par l’autorité judiciaire

  • Article 6-I-8 de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) : l'autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, aux hébergeurs ou aux FAI « toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne ». L'article a notamment été utilisé par l'Autorité des marchés financiers.
  • Article 706-23 du Code de procédure pénale : le juge pénal agissant en référé peut ordonner, à la demande du ministère public ou de toute personne physique ou morale ayant intérêt à agir, l’arrêt d’un site pour les faits constitutifs d’infraction pénale de provocation à des actes de terrorisme (ou d’apologie), du moins lorsque ces faits constituent un trouble manifestement illicite.
  • Article 61 de la loi ARJEL : possibilité pour le président de l’autorité des jeux en ligne de demander à un juge le blocage d’accès d’un site non agréé en France (voir un exemple).
  • Aricle L336-2 du Code de la propriété intellectuelle : un juge peut ordonner toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier (affaires Allostreaming et The Pirate Bay).
  • Article L716-6 du Code de la propriété intellectuelle : en cas de contrefaçon de marque, le juge civil peut « ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon ».
  • Article 9 du Code civil : le juge civil peut prescrire, y compris en référé, toutes mesures « propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée ».

Blocage et filtrage ordonnés par l’autorité administrative

 
 
 
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